Page:Murger - Scènes de la vie de bohème, Lévy, 1871.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

Ils ne s’en dirent pas davantage. Le sort du pigeon-pendule était fixé ; il en aurait appelé en cassation que c’eût été peines perdues, la faim est une si cruelle conseillère.

Rodolphe avait allumé du charbon, et faisait revenir du lard dans le beurre frémissant ; il avait l’air grave et solennel.

Juliette épluchait des oignons dans une attitude mélancolique.

Le pigeon chantait toujours, c’était sa Romance du saule.

À ces lamentations se joignit la chanson du beurre dans la casserole.

Cinq minutes après, le beurre chantait encore ; mais, pareil aux templiers, le pigeon ne chantait plus.

Roméo et Juliette avaient accommodé leur pendule à la crapaudine.

— Il avait une jolie voix, disait Juliette et se mettant à table.

— Il était bien tendre, fit Roméo en découpant son réveille-matin parfaitement rissolé.

Et les deux amants se regardèrent et se surprirent ayant chacun une larme dans les yeux.

… Hypocrites, c’étaient les oignons qui les faisaient pleurer !



XXII

ÉPILOGUE DES AMOURS DE RODOLPHE ET DE MADEMOISELLE MIMI.


I

Pendant les premiers jours de sa rupture définitive avec mademoiselle Mimi, qui l’avait quitté, comme on se rappelle, pour monter dans les carrosses du vicomte Paul, le poëte