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LA TOILETTE DES GRÂCES.

Huit jours après ce festival, Marcel apprit dans quelle galerie son tableau avait pris place. En passant dans le faubourg Saint-Honoré, il s’arrêta au milieu d’un groupe qui paraissait regarder curieusement la pose d’une enseigne au-dessus d’une boutique. Cette enseigne n’était autre chose que le tableau de Marcel, vendu par Médicis à un marchand de comestibles. Seulement, le Passage de la mer Rouge avait encore subi une modification et portait un nouveau titre. On y avait ajouté un bateau à vapeur, et il s’appelait : Au port de Marseille. Une ovation flatteuse s’était élevée parmi les curieux quand on avait découvert le tableau. Aussi Marcel se retourna-t-il ravi de ce triomphe, et murmura : La voix du peuple, c’est la voix de Dieu.



XVII

LA TOILETTE DES GRÂCES.


Mademoiselle Mimi, qui avait coutume de dormir la grasse matinée, se réveilla un matin sur le coup de dix heures, et parut très-étonnée de ne point voir Rodolphe auprès d’elle ni même dans la chambre. La veille au soir, avant de s’endormir, elle l’avait pourtant vu à son bureau, se disposant à passer la nuit sur un travail extra-littéraire qui venait de lui être commandé, et à l’achèvement duquel la jeune Mimi était particulièrement intéressée. En effet, sur le produit de son labeur, le poëte avait fait espérer à son amie qu’il lui achèterait une certaine robe printanière dont elle avait un jour aperçu le coupon aux Deux Magots, un magasin de nouveautés fameux, à l’étalage duquel la coquetterie de Mimi allait faire de fréquentes dévotions. Aussi, depuis que le travail en question était commencé, Mimi se préoccupait-elle avec une grande inquiétude de ses progrès. Souvent elle