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SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

— Acheté à M.*** 75 kilog. de son ouvrage, intitulé : des Révolutions sous-marines, 15 fr.

— Loué à madame la comtesse de G… un service de Saxe, 20. fr.

— Acheté à M.***, journaliste, 52 lignes dans son Courrier de Paris, 100 fr ; plus une garniture de cheminée.

— Vendu à MM. O… et Cie 52 lignes dans le Courrier de Paris de M.***, 300 fr. ; plus de garnitures de cheminée.

— À mademoiselle S… G…, loué un lit et un coupé pour un jour (néant). (Voir le compte de mademoiselle S… G…, grand-livre, folios 26 et 27.)

— Acheté à M. Gustave C… un mémoire sur l’industrie linière, 50 fr. ; plus une édition rare des œuvres de Flavius Josèphe.

— À mademoiselle S… G… vendu un mobilier moderne 5,000 fr.

— Pour la même, payé une note chez le pharmacien, 75 fr.

Id. Payé une note chez la crémière, 3 fr. 85.

Etc, etc, etc.

On voit, par ces citations, sur quelle immense échelle s’étendaient les opérations du juif Médicis, qui, malgré les notes un peu illicites de son commerce infiniment éclectique, n’avait jamais été inquiété par personne.

En entrant chez les bohèmes avec cet air intelligent qui le distinguait, le juif avait deviné qu’il arrivait à un moment propice. En effet, les quatre amis se trouvaient en ce moment réunis en conseil, et, sous la présidence d’un appétit féroce, dissertaient la grave question du pain et de la viande. C’était un dimanche ! de la fin du mois. Jour fatal et quantième sinistre.

L’entrée de Médicis fut donc acclamée par un joyeux chorus ; car on savait que le juif était trop avare de son temps pour le dépenser en visites de politesse ; aussi sa présence annonçait-elle toujours une affaire à traiter.

— Bonsoir, Messieurs, dit le juif, comment vous va ?

— Colline, dit Rodolphe couché sur son lit et engourdi dans les douceurs de la ligne horizontale, exerce les devoirs de l’hospitalité, offre une chaise à notre hôte : un hôte est sacré. Je vous salue en Abraham, ajouta le poëte.