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DONEC GRATUS…


XV

DONEC GRATUS…


Nous avons raconté comment le peintre Marcel avait connu mademoiselle Musette. Unis un matin par le ministère du caprice, qui est le maire du 13e arrondissement, ils avaient cru, ainsi que la chose arrive souvent, s’épouser sous le régime de la séparation de cœur. Mais un soir, après une violente querelle où ils avaient résolu de se quitter sur-le-champ, ils s’aperçurent que leurs mains, qui s’étaient serrées en signe d’adieu, ne voulaient plus se séparer. Presque à leur insu leur caprice était devenu de l’amour. Ils se l’avouèrent tous deux en riant à moitié.

— C’est très-grave ce qui nous arrive là, dit Marcel. Comment diable avons-nous donc fait ?

— Oh ! reprit Musette, nous sommes des maladroits, nous n’avons pas pris assez de précautions.

— Qu’est-ce qu’il y a ? dit en entrant Rodolphe, devenu le voisin de Marcel.

— Il y a, répondit celui-ci en désignant Musette, que Mademoiselle et moi, nous venons de faire une jolie découverte. Nous sommes amoureux. Ça nous sera venu en dormant.

— Oh ! oh ! en dormant, je ne crois pas, fit Rodolphe. Mais qu’est-ce qui prouve que vous aimez ? Vous exagérez peut-être le danger.

— Parbleu ! reprit Marcel, nous ne pouvons pas nous souffrir.

— Et nous ne pouvons plus nous quitter, ajouta Musette.

— Alors, mes enfants, votre affaire est claire. Vous avez voulu jouer au plus fin, et vous avez perdu tous les deux. C’est mon histoire avec Mimi. Voilà bientôt deux calendriers