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SCÈNES DE LA VIE DE BOHÈME.

qui faisait le plus obstacle à sa réception dans le cénacle : aussi il le traita avec une recherche particulière ; mais où il se rendit surtout l’artiste favorable, ce fut en lui donnant l’espérance qu’il lui procurerait des portraits dans la famille de son élève.

Quand ce fut au tour de Marcel de faire son rapport, ses amis n’y trouvèrent plus cette hostilité de parti pris qu’il avait montrée d’abord contre Carolus.

Le quatrième jour, Colline informa Barbemuche qu’il était admis.

— Quoi ! je suis reçu, dit Carolus au comble de la joie.

— Oui, répondit Colline, mais à corrections.

— Qu’entendez-vous par là ?

— Je veux dire que vous avez encore un tas de petites habitudes vulgaires dont il faudra vous corriger.

— Je ferai en sorte de vous imiter, répondit Carolus.

Pendant tout le temps que dura son noviciat, le philosophe platonicien fréquenta assidûment les bohèmes ; et, mis à même d’étudier plus profondément les mœurs, il n’était pas sans éprouver quelquefois de grands étonnements.

Un matin, Colline entra chez Barbemuche le visage radieux.

— Eh bien, mon cher, lui dit-il, vous êtes définitivement des nôtres, c’est fini. Reste maintenant à fixer le jour de la grande fête et l’endroit où elle aura lieu ; je viens m’entendre avec vous.

— Mais ça se trouve parfaitement, répondit Carolus : les parents de mon élève sont en ce moment à la campagne ; le jeune vicomte, dont je suis le mentor, me prêtera pour une soirée les appartements : comme ça, nous serons plus à notre aise ; seulement, il faudra inviter le jeune vicomte.

— Ce serait assez délicat, répondit Colline ; nous lui ouvrirons les horizons littéraires ; mais croyez-vous qu’il consente ?

— J’en suis sûr d’avance.

— Alors il ne reste plus qu’à fixer le jour.

— Nous arrangerons cela ce soir au café, dit Barbemuche.

Carolus alla ensuite retrouver son élève et lui annonça qu’il venait d’être reçu membre d’une haute société littéraire