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ÉTUDES

ce lieu commun ridicule à propos du charmant poëte que nous venons de perdre. Ni les amitiés fidèles, ni les succès, ni les honneurs ne lui ont manqué. Tous les théâtres lui étaient ouverts ; tous les journaux, toutes les Revues sollicitaient ses écrits, trop rares à leur gré. Dès qu’on l’a su malade, tous les dévouements sont accourus ; sa porte a été assiégée par tout ce qu’il y a de plus honorable et de plus éminent ; deux ministres ont fait demander d’heure en heure de ses nouvelles ; les plus grands médecins de Paris, les lumières de la science, ont veillé à son chevet ; ses derniers moments ont été entourés de pieuses et touchantes sollicitudes. Enfin, — suprême et juste hommage ! — une foule immense où tous les ordres et tous les rangs étaient représentés : — l’Académie, les ministères, les écoles, les lettres, les arts, la critique, — a suivi, à pied, tête nue, son cercueil ; si bien qu’une femme du peuple, voyant l’interminable cortège, a pu s’écrier, dans sa naïveté : « C’est le convoi de quelque millionnaire ! »

P.-A. Fiorentino.