Nous nous mettons à la corde, et, Burgener m’ayant fait passer le pont de glace, je commence à entailler la pente en me portant franchement à gauche. Mais, comme l’angle de la pente croît sans cesse, Burgener prend la tête, avant que nous ayons atteint la base de la masse de rocher vers laquelle nous tendons. Le passage en travers sous la masse en question fut formidable. La jambe droite, qui était près de la pente, ne pouvant plus passer entre la jambe gauche et la glace, un très désagréable changement de pied devenait dès lors nécessaire à chaque marche. Cela ne dura pas longtemps heureusement et nous pûmes atteindre la pente de glace entre la seconde et la troisième protubérance du rocher. Nous tournons alors franchement, bien que nous portant un peu sur la gauche, puis nous grimpons lentement la pente nue, luisante, jusqu’à la large expansion du couloir au-dessus des rochers et de leurs toits de glace surplombants. À notre gauche, sous l’ombre des murailles décharnées du Cervin, de larges plaques ou de longues bandes de neige adhéraient encore à la glace. La neige n’y était pas d’une grande épaisseur, n’excédant nulle part 12 à 15 centimètres, par contre elle était légèrement fixée par le gel à la couche inférieure. Nous montons rapidement sur des marches superficielles coupées dans ce placage peu solide. La neige avait glissé par places et il nous fallait entailler des plaques de glace vive ; mais au fur et à mesure que nous avancions, la neige devenait de plus en plus continue et notre, courage se relevait rapidement. Il était pourtant évident que cette fine croûte neigeuse ne nous apportait aide qu’au prix d’abandonner délibérément toute possibilité de retraite. Aussitôt que le soleil toucherait cette pente et dès qu’elle ne serait plus glacée, toute tentative de s’appuyer sur cette neige n’aurait qu’un
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LE COL DU LION