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CHAPITRE III


LE COL DU LION[1]


Un glorieux jour de la fin de juin 1880, en fait, une semaine ou deux avant les événements que nous venons de décrire, Burgener et moi venions de terminer la partie la plus sérieuse de notre travail de la journée, le passage du Col Tournanche ; nous passions notre temps à nous chauffer sur un rocher un peu au-dessus du plateau horizontal du Glacier de Tiefenmatten. Le calumet de la paix enguirlandait l’air de tins nuages et de rubans de fumée, au milieu des rocs qui nous dominaient, pendant que devant nous se dressait la plus grandiose muraille dont les Alpes puissent s’enorgueillir, l’immense face Ouest du Cervin. Graduellement mon attention se rive au Col du Lion et il entre dans mon esprit que jamais on ne pourra choisir une manière plus difficile, plus détournée et plus mauvaise pour aller de Zermatt au Breuil que d’user de ce col comme passage. Je communique aussitôt à Burgener cette idée brillante et — j’en avais alors la conviction profonde — originale, mais il ne répond pas tout de suite à l’enthousiasme qui m’est hâtivement venu. Au contraire, il me fait observer que de nombreux touristes et de nombreux guides ont été possédés du même désir et qu’après un examen plus serré ils en ont invariablement aban-

  1. Cette expédition eut lieu le 6 juillet 1880 et ne fut que brièvement relatée dans l’Alpine Journal : X, p. 359. — M. P.