l’escalade, mais ma maladroite remarque rappelait l’attention de Burgener sur l’imminence de la catastrophe qui devait nécessairement nous surprendre. Pour des raisons qu’il n’aurait pas pu expliquer clairement, il considérait comme certain que les Esprits ou nous précipiteraient des pentes de la montagne ou jetteraient sur nos pauvres têtes quelque chose de dur et de lourd, et cela avant que nous ayons atteint le point où se dresse la nouvelle cabane. Ce fut en vain que je lui fis observer que les divers pouvoirs surnaturels seraient capables de nous détruire aussi bien à Zermatt que sur la montagne. Burgener, tout en admettant l’excellence théorique de ma doctrine, ne lui accordait évidemment pas le bénéfice de l’actualité. Son opinion sur ce sujet paraissait aussi illogique que ses vues sur le dimanche en montagne. Sur cette dernière grave question, il soutenait que faire ce jour-là une expédition difficile, c’était certainement et distinctement « tenter la Providence ». Quant aux expéditions faciles, on pouvait les entreprendre, car, disait-il, dans telle ou telle montagne, vous pouvez vous risquer, arrive que voudra, et il entreprenait alors de soutenir son opinion avec des arguments d’un matérialisme achevé. En l’occasion, il pensail clairement que les avantages naturels du terrain avaient d’excellentes chances de déjouer notre ennemi aux aguets ; malgré cela, nous descendîmes avec la plus grande exagération de soins ; un seul marchait à la fois et des. «supplications constantes nous étaient adressées avant que la corde suffisante nous fût donnée pour marcher. Ces laborieuses précautions étaient suivies d’une profusion de serments pieux et parfois de jurements contraires, et chacun dut faire vœu d’une chandelle de belle grosseur à un saint connu de Burgener, à la condition, bien entendu, que ledit saint nous donnât le pouvoir de
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L’ARÊTE DE FURGGEN