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L’ARÊTE DE FURGGEN

midables difficultés de l’Arête de Furggen. Pareille pensée et pareille préparation me parurent bien faites pour nous jeter un mauvais sort, et les événements ultérieurs démontrèrent clairement les déplorables effets que cette absolution peut avoir sur les nerfs ; pourtant Burgener et Venetz me semblèrent l’un et l’autre en excellent état d’esprit quand ils revinrent. Nous passâmes ce beau soir d’été à conter des histoires de chasses au chamois et des exploits perpétrés à travers les neiges d’hiver.

Le jour suivant nous partons en flânant jusqu’à Saint-Nicolas, et nous allons gaiement en voiture jusqu’à Zermatt ; nous en repartons le soir même à dix heures et demie pour notre arête. Près des derniers chalets, les guides, entraînés par la bonne apparence d’une petite grotte, s’allongèrent là et eurent tôt fait de s’endormir. Je m’aperçois vite que le gazon est humide, pour ne pas dire mouillé, et le vent terriblement froid. La sensation d’inconfortabilité produite par cette installation sommaire finit par mettre ma patience à bout, et, comme les guides ne font pas mine de se lever, je me vois obligé de jouer du piolet sur mes dormeurs récalcitrants. On reprend les sacs et l’on se met doucement en route. Depuis cet incident nous marchons plus lentement ; finalement Burgener se déclare indisposé et comme conséquence je me vois obligé de prendre son sac. Nous continuons péniblement jusqu’à ce que nous arrivions à une grosse pierre, près du Lac Noir. Il était dès lors presque certain que l’ascension devrait être abandonnée, aussi, après une heure de halte, reprenons-nous en dégoûtés le chemin de Zermatt, où nous arrivons trop tôt pour déjeuner, trop tard pour nous coucher.

Après un bain dans le ruisseau du Trift, je retournai prendre un piteux et solitaire repas à l’Hôtel du Mont-