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CHAPITRE II


LE CERVIN. — L’ARÊTE DE FURGGEN


Une année plus tard[1] à, l’Hôtel Couttet, je rêvais doucement à ma bien-aimée, l’Aiguille des Charmoz, à laquelle nous avions avec succès fait la cour les jours précédents, lorsque Burgener vint interrompre mon sommeil et m’arracher impitoyablement au délicieux confort de mon lit. Toute protestation fut vaine. Le colossal contrefort du Cervin, l’Arête de Furggen avait tenté depuis longtemps ses désirs ; et que peuvent bien peser le sommeil, le repos, la tranquillité béate, si on les met en balance avec la joie sauvage de saisir les saillies gris-brun du roc, de battre et d’entailler jusqu’à soumission complète les longs couloirs de glace noire ? Tous les instincts invétérés de bataille avaient surgi en lui. Il voulait se lancer une fois encore a l’assaut des murailles et des arêtes, mesurer son habileté contre leur résistance muette et passive, les forcer maintenant, comme jadis, à céder à son attaque téméraire. Le temps pressait et, si une tentative avait à être faite, il devenait nécessaire, pour ne pas porter préjudice il des projets ultérieurs longuement caressés, de rallier Stalden cette nuit même. Nous atteignîmes rapidement Argentière, et là le cocher, pensant qu’il nous tenait bien

  1. Cette première tentative par l’arête de Furggen eut lieu le 19 juillet 1880 ; la simple nouvelle en fut publiée, sans notes techniques, dans l’Alpine Journal, X, p. 96. — M. P.