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L’ARÊRTE DE ZMUTT

suivie sur une courte distance nous atteignions l’endroit où il fallait prendre la mauvaise pente. Là, la, discussion recommença. Burgener était nettement contraire à l’idée de la tenter, mais, comme il n’y avait pas d’autre passage, Petrus s’avança pour l’explorer.

Je n’ai pas le moindre doute que l’objection de Burgener à prendre cette pente venait exclusivement de ce qu’il n’avait jamais encore abordé semblable passage avec moi. La pente était évidemment praticable. Mais ce qui était non moins certain c’est que la glissade de l’un eût entraîné tous ceux qui étaient encordés avec lui. De semblables situations m’ont fait partager plus tard sa manière de voir. La certitude que l’on ne pourrait rien pour arrêter une glissade, combinée avec la crainte précise qu’elle peut arriver, crée, comme on se l’imagine facilement, une situation dénuée de charme. La crainte de glisser soi-même peut être considérée comme pleine de délices si on la compare à la sensation apportée par ce véritable piège qu’est la corde lorsqu’il y a à l’autre bout « une quantité inconnue ».

Nos haltes à ce point et à la troisième dent avaient excédé deux heures, nous n’avions donc plus de temps à perdre. Petrus semblait gagner du terrain régulièrement, aussi Burgener s’apprêta-t-il à traverser à son tour. Bien qu’il ne fût pas du tout un homme de haute stature dans la vallée, sur une pente de glace vive il paraissait, visiblement grandir, et semblait être un véritable géant lorsqu’il maniait son irrésistible piolet. Pour quelque raison cachée, probablement pour fournir une excuse valable à ne pas encorder Gentinetta et à le sauver ainsi du risque de la « quantité inconnue[1] » Burgener nous dit de le laisser

  1. Dans plus d’une occasion, j’ai trouvé Burgener attentif à sauver les autres de risques auxquels il se trouvait exposé, et cela par des expédients