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LE CERVIN

« Pensez-vous) » me demandèrent les guides, « que vous, ou que quelqu’un d’autre, escalade jamais cette montagne ? » Et quand, sans être entamé par leur ridicule remarque, je leur répondis : « Oui…, mais pas par ce côté, » ils éclatèrent en gloussements de dérision. Je dois confesser que mon espoir s’en affaiblit, car rien ne peut paraître ou être plus inaccessible que le Cervin sur ses faces Nord ou Nord-Ouest. » A l’usage, ce jugement n’apparut pas sans appel ; l’arête de neige et les rochers dentelés qui la continuent un peu au delà offraient, il est vrai, une route peu facile jusqu’à une hauteur de 3.950 mètres, mais sur l’arête finale, à partir de 4.250 mètres, et jusqu’au sommet, le grimpeur n’avait presque plus rien à craindre. Les difficultés sérieuses paraissaient ainsi limitées il la courte portion de la route par laquelle ces deux chemins aériens avaient à être soudés. D’après mes observations, faites en cette occurrence ou en d’autres occasions, il était évident que, de l’endroit où l’Arête de Zmutt commence à se redresser jusqu’à devenir perpendiculaire, il serait nécessaire de se porter à gauche dans un couloir profondément buriné et qui tombe dans les précipices terrifiants du Glacier du Cervin. La partie supérieure du couloir, où nous avions seulement à compter avec lui, ne paraissait pourtant pas sans espoir, et, en supposant qu’il pût être ascensionné, l’arête pourrait être regagnée au-dessus de son premier ressaut inaccessible. A une courte distance au delà, à l’endroit où elle redevient perpendiculaire et même surplombante, il paraissait possible de se diriger à droite, le long des grandes pentes de la face Ouest, et d’atteindre de nouveau, après une longue escalade, l’Arête de Zmutt, au-dessus de toute difficulté sérieuse. Ayant arrêté ce programme quelque peu ambitieux, je descendis à Zermatt pour trouver un guide capable de le mener à bien.