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PLAISIRS ET PÉNALITÉS

« l’Épaule ». En 1873 ils se mettaient à la corde à la vieille cabane. En 1886 ils s’attachaient à quelque distance au dessous de l’ancienne cabane. Maintenant ils le font au nouveau refuge et les exploits d’un certain Monsieur, en 1893, ne rendent pas impossible que les futurs grimpeurs ne prennent la corde au Hörnli. Ces infortunés devraient reconnaître qu’ils entreprennent un travail tout à fait au dessus de leurs forces, et qu’ils sont pouponnés et dorlotés par leurs guides de façon à perdre tout respect de soi-même et à détruire tout sentiment de bravoure et de confiance en soi. Alors que le vrai montagnard est sans conteste « l’œuvre de Dieu la plus noble », on pourra s’imaginer facilement comme un objet digne de mépris ce genre de colis qui, poussé et hissé en haut des pics par des paysans suisses, est tellement incapable de prendre soin de soi que l’on ne peut pas même se fier à l’asseoir sur un roc s’il n’est tenu par la corde. Un homme ne devrait jamais, en connaissance de cause et de propos délibéré, se mettre en situation d’être maîtrisé et dominé sans espoir par ce qui l’entoure. Ceux qui agissent ainsi sont regardés par leurs guides comme une vache à lait, source commode d’émoluments et de pourboires ; un plastron pour les petits jeux d’esprit ; une chose à enduire de graisse, à décorer d’un masque ou d’un voile, et à boutonner dans d’étranges guêtres chaînées de fer ; un objet à remonter avec du vin et du cognac, et à ne jamais perdre de vue jusqu’à ce qu’il soit remis sain et sauf entre les mains du propriétaire de l’hôtel. Il est difficile de comprendre comment des hommes, qui dans d’autres situations de la vie ne manquent pas d’un sens suffisant de dignité personnelle, consentent à être traités de cette façon. Il n’en va pas ainsi parce qu’il n’y a d’ouverte pour eux qu’une seule forme de courses de mon-