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DE L’ALPINISME

vane possède. Mais, ceux qui ont l’énergie de résister au charme de la crevasse, ceux dont les oreilles sont garnies de poix et n’entendent pas dans les profondeurs le chant des sirènes pourront adopter la précaution de la corde double et être assurés de sa complète efficacité. On devra aussi se souvenir qu’il faut au moins 15 mètres de corde entre deux hommes lorsqu’ils veulent aller seuls sur le glacier.

L’habitude de grimper seul donne lieu à beaucoup et à de très sérieuses objections. Il est vrai que dans des circonstances absolument exceptionnelles, lorsque, par exemple, un beau temps a rendu visibles toutes les crevasses on peut traverser de bon matin les champs de neige sans grand risque. Dans des conditions pareilles, j’ai passé le Trift Joch, le Weiss Thor, le Col du Géant et d’autres cols sans apercevoir un symptôme de danger ; mais la sensation de solitude, sensation qui, lorsque le brouillard et les vapeurs ondulent autour des arêtes, devient presque pénible, est de nature à affecter la fermeté et les ressources d’un homme. Il est certainement à désirer qu’on ne pousse pas ces promenades solitaires au delà de limites très étroites.

D’un autre côté, rien ne développe les facultés aussi rapidement et complètement. Personne ne découvre une crevasse aussi promptement que celui qui est habitué à traverser seul des champs de neige. Personne ne prend aussi soigneusement note de la ligne d’ascension, que le rochassier qui est obligé de retrouver tout seul sa route de retour. La concentration de toutes les responsabilités et de tout le travail sur un seul individu le force à acquérir une habileté de tout genre, qu’il est difficile de gagner autrement. Grimper en caravanes développe la spécialisation. L’un taille des marches, l’autre grimpe le