Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
PLAISIRS ET PÉNALITÉS

en général et à celles de l’Alpine Club en particulier.

Les difficultés de réconcilier sur ce point la pratique et la théorie me font supposer que ces réclamations sont peut-être bien portées, non pas contre une cordée de deux montagnards, mais contre une caravane composée d’un montagnard et d’un maladroit. C’est peut-être la politesse, cette archi-corruptrice de la vérité, qui a amené nos maîtres à dire que « une caravane ne devrait jamais être composée de moins de trois, sur lesquels deux doivent être des guides », au lieu de dire de préférence que « une caravane devrait toujours être formée de deux montagnards avec ou sans adjonction d’un ou deux spécimens de colis vivant ». Il serait en effet des plus étranges que mes vieux amis Alex Burgener et Émile Rey, désireux de passer le Col du Géant, soient obligés de recourir à quelque faible écolière ou à quelque touriste décrépit, avant de pouvoir faire face aux dangers du col ! Et ce sont là les conclusions auxquelles nous conduisent nécessairement les doctrines de nos prophètes ! Ceux qui aspirent à se promener avec les « dieux tranquilles » sur des hauteurs plus qu’olympiennes devraient laisser là la politesse formaliste qui cache la vérité et dire toute leur pensée, sans s’inquiéter des incompétents et des imbéciles. Deux de mes amis désiraient un jour traverser un immense champ de neige norvégien ; enseignés par la sagesse des livres, ils pensaient qu’un troisième était nécessaire. Ils le trouvent et pendant les deux jours suivants ils se réjouissent fort de la garantie ainsi apportée à leur sécurité ! Hé bien ! Non seulement ce troisième les força à aller si lentement qu’ils furent obligés de coucher dans le plus inconfortable des bivouacs, non seulement il fit de son mieux pour les dérocher, toutes et quantes fois qu’il y avait possibilité de voir ses efforts récompensés ;