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PLAISIRS ET PÉNALITÉS

Ces considérations sur la corde et le nombre des touristes s’appliquent avec plus de force encore à tous dangers provenant des avalanches de glace. Tout homme de plus à la corde comporte un décroissement sérieux de la vitesse extrême avec laquelle une caravane peut se mouvoir, et c’est par la vitesse, et par la vitesse seule, qu’elle peut, ainsi surprise, espérer se tirer du danger. En 1871, la caravane de M. Tuckett fut presque balayée par une grande avalanche tombant de l’Eiger, et il attribue d’avoir échappé au danger, surtout au fait que la caravane n’était pas encordée, et eut en conséquence une plus grande rapidité de mouvements qu’elle ne l’eût possédé autrement[1].

Il est bien entendu que, si un touriste incompétent se trouve dans la caravane, la corde devra être constamment employée, et qu’il faudra au moins deux bons et solides montagnards pour surveiller ses idiosyncrasies ; mais des cordées ainsi empêtrées doivent éviter des couloirs semblables à ceux que l’on ascensionne au Schreckhorn, ou des pentes impitoyables comme celles du côté italien du Col des Hirondelles.

Il y a une autre condition dans laquelle la corde accroît sérieusement les risques d’alpinistes compétents. En cas d’avalanche détachée, une caravane encordée est presque dans l’impossibilité de se secourir. Souvent l’un des grimpeurs peut échapper à la neige bouillonnante, mais, s’il est encordé, il sera nécessairement entraîné par ses compagnons. En pareil cas, sortir d’une avalanche n’est possible que si tous peuvent sauter de la neige en mouvement sur celle qui ne l’est pas, du même côté et à la fois, et même alors seulement, s’ils peuvent affranchir la corde de la masse mouillée de la neige dans

  1. Alpine Journal ; vol. 11, p. 341 et seq.