Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
PLAISIRS ET PÉNALITÉS

exactement ; et les connaissances nécessaires pour bien juger, l’alpiniste ne les obtiendra que le jour où il aura appris par de dangereuses expériences à saisir la nature exacte de la tourmente et les effets qu’elle aura vraisemblablement sur les pentes qu’elle frappe.

Quelques grimpeurs soutiennent qu’il est possible d’éviter toutes les pentes exposées aux chutes de pierres ou de glaçons. En fait, bien que l’on puisse jusqu’à un certain point les éviter aux jours et aux heures dangereux, il est impossible de s’en garder complètement.

Des montagnards d’une grande expérience et d’une prudence à l’épreuve, même des présidents actuels ou d’anciens présidents de l’Alpine Club, sont connus pour avoir descendu, des heures durant, des pentes de rocher ou de glace sans le moindre abri et exposées à tout moment à être enfilées du haut en bas par des chutes de pierres ou de glace. Le critique orthodoxe protestera : il n’en est pas moins certain que ceux qui cherchent à faire de nouveaux passages se trouvent parfois dans des positions qui ne leur laissent aucune bonne alternative. Le pseudo-alpiniste, il est vrai, pourra presque éviter ces dangers. Accompagné de guides qui connaissent tous les ressauts de la montagne, il est conduit par une route assez bien abritée, ou, s’il n’en existe pas, il en est averti avant le départ, et peut en conséquence changer ses plans. Mais répéter une ascension déjà faite, la répéter dans les conditions voulues, avec un plan soigneusement calculé, sous le commandement rigide d’un guide comme metteur en scène, ne se recommandera jamais au véritable montagnard. La joie et le plaisir de ce sport dérivent surtout de l’incertitude et des difficultés mêmes que la vraie fonction d’un tel guide est précisément d’éliminer. Même si le passage n’est pas tout à fait nouveau,