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LE COL DE LEKSUR

désespérés, et que nous nous étions comportés de façon presque digne de vrais Croyants : le prix de l’agneau fut en conséquence fixé à un rouble, ce qui est, je crois, le prix local ordinaire pour les indigènes ; en tous cas les étrangers ont habituellement à payer de deux à trois roubles et demi.

Nous envoyâmes des invitations formelles aux bergers et à un ou deux naturels qui avaient remonté la vallée pour venir bavarder un peu. Les uns ou les autres, nous étions huit ou neuf, accroupis devant le feu, à examiner les flammes affamées léchant le grand chaudron dans lequel les plus gros morceaux s’agitaient comme s’ils étaient encore en vie. Les portions les plus petites, empalées sur des broches, étaient habilement rôties dans des trous rutilants en dessous des grandes bûches de sapin pétillant. La danse des flammes éclairait les faces barbues des fidèles du Prophète, pendant que notre porteur leur faisait une description imagée des falaises à pic et des séracs menaçants au milieu desquels ces étranges Occidentaux semblaient se réjouir de se promener. À la fin le festin commença à être prêt. D’accord avec quelque étrange loi de nature, les festins de ce genre commencent toujours avec les parties de l’économie intérieure de la victime, les festoyeurs passant ensuite lentement aux côtes puis aux plus larges morceaux. L extraction de ceux-ci du chaudron bouillant, environné de flammes brûlantes, fut un travail qui exigea beaucoup d’habileté, et fut suivi, la respiration suspendue, par toute la caravane.

Nous dormîmes tard, et le lendemain nous trouvâmes encore notré seau complètement rempli de lait par ces bons bergers ; déjeuner fut donc une longue affaire, car Zurfluh pensa qu’il était de notre devoir de ne rien laisser gâcher du précieux liquide. Devant cette nécessité nous aban-