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LE DYCH TAU

quemment une plante tendre qu’il faut soigneusement garantir de toutes les influences contraires.

Nous sommes maintenant sur le pic lui-même. Le Gestola, le Tetnuld et le Janga sont sensiblement en dessous de nous, et la corniche même de l’arête du Shkara[1] ne semble plus nous dominer beaucoup. Malheureusement une masse nuageuse d’un vilain aspect s’était amassée sur cette grande arête et de temps en temps des bandes se déchiraient, s’arrachaient de cette nuée et venaient s’enrouler dans l’espace intermédiaire, poussées par une furieuse tempête du Sud. Quelques-uns de ces rubans de nuage arrivaient jusque sur nos têtes, nous privant de la chaleur pourtant bienvenue du soleil ; d’autres, doués de moins de force d’ascension, allaient se mêlant mille fois aux arêtes en dessous, les maculant de leurs spires déchiquetées, et nous avertissant que, d’un moment à l’autre, les falaises qui nous entouraient pourraient bien être voilées d’un brouillard impénétrable.

Le mur au dessus était évidemment des plus formidables. Bien que j’eusse l’air de ne pas douter du succès, il m’était impossible de me rendre compte comment nous pourrions avancer au delà. Mais Zurfluh est un homme à la hauteur de pareilles circonstances et il est de plus un grimpeur de rocher exceptionnellement brillant. Il se montra adéquat à l’occasion et jura par les dieux immortels que nous ne serions pas joués une seconde fois. Pendant qu’il examinait la meilleure ligne d’attaque, je répondais aux cris du berger, qui de bon matin avait grimpé au col et qui, grandement intéressé par nos progrès, avait, malgré un vent mordant et froid, passé le reste du jour dans cet endroit inabrité.

Zurfluh, après une exploration soigneuse, détermine

  1. Le Shkara a 5.193 mètres d’altitude. — M. P.