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LE DYCH TAU

tartares si inconfortables — nous étions allés à cheval de Patigorsk à Naltcik, de là à Bezingi, et au pied du glacier — avait suffi pour faire de lui un pessimiste accompli. « Es gefâllt mir nicht » « cela ne me plaît pas » était le refrain de sa chanson, et bien que, peut-être, cette phrase puisse être regardée comme la conclusion qui résume la philosophie moderne, elle ne me paraissait pas précisément le mot d’ordre d’un montagnard face à face avec les plus grands géants encore inexplorés.

Notre camp était de la plus Spartiate simplicité, car nous avions devancé notre bagage, et le sac de Zurfluh, que je m’imaginais avec tendresse devoir contenir nos sacs de nuit et notre pot-au-feu, se trouva être presque rempli par un pot de graisse à souliers de la plus détestable odeur, apporté à grand’peine toute la route depuis Meiringen, par un large marteau, par un stock complet de clous à grosse tête, et par une sorte d’enclume, une bigorne, pour les fixer sur les brodequins. Ces articles divers avaient indubitablement une précieuse valeur, mais ils n’étaient pas d’une grande utilité pour notre coucher : on a beau n’être pas un sybarite et ne pas être tenté de se plaindre d’un pli de feuille de rose, on peut regretter d’avoir des clous de souliers pour matelas. Heureusement quelques portions de mouton, un large morceau de pain russe, et un fagot de bois avaient été empilés sur un vigoureux indigène que nous avions rencontré et que nous nous étions attaché avant de laisser le reste de notre caravane.

La nuit fut remarquablement froide, aussi fûmes-nous heureux de sortir dès 4 h. mat. et de partir pour un examen préliminaire de notre pic. Je découvre bientôt que Zurfluh a les plus ambitieuses visées et qu’il est possédé par l’idée déraisonnable de prendre comme lieu d’entrai-