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LE COL DES COURTES

célébrées par une halte. J’ai le regret de dire que ce ne fut pas la seule ; en effet, nos progrès en avant furent à partir de là interrompus par de si fréquentes pauses, pour nous reposer ou nous restaurer, que notre arrivée définitive sur l’arête fut un sujet de profonde surprise pour toute la caravane. Malgré tout, nous jugeâmes encore que notre première vue des crevasses du Glacier des Courtes devait être honorée par un goûter, et à l’unanimité, nous décidâmes une halte, qui se prolongea plus que d’habitude.

À notre droite, une extraordinaire aiguille de roc bloque l’arête, pendant qu’à gauche, une série de dentelures nous fait espérer que nous pourrons, peut-être, trouver le moyen de mettre notre courage à l’épreuve. Fort heureusement, l’un des meilleurs avantages des caravanes d’amateurs est de n’avoir jamais de craintes pour l’avenir, qui toujours vient s’interposer devant les réjouissances du présent ; nous nous réchauffons, éparpillés en divers réduits, au milieu de tout un monde de formes glorieuses et de délicieuses couleurs qui réjouissent nos yeux mi-clos, et sans être le moins du monde distraits de la beauté reposante de ce paysage. Mais peu à peu nous commençons à trouver que les pierres sont aiguës et que des courants d’air froid nous empêchent de goûter cette parfaite béatitude, invariable but vers lequel tend le grimpeur ; aussi saluons-nous avec enthousiasme l’idée de Collie, de suivre tout le long de l’arête jusqu’à une large corniche de roc brisé, où nous découvrirons évidemment un abri parfait et une luxueuse place de repos (9 h. 15 mat.).

Une dure descente, suivie d’une rude escalade aux lianes précipitueux d’une flèche en aiguille, nous porte à ce délicieux plateau. Je ne sais pas si nous aurions jamais été capables de reprendre le courage de partir, peut-être