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LE COL DES COURTES

capables de nous servir désormais de points de repère et de guides. Quand nous avons échangé nos adieux avec notre bon ami Simond, Hastings dépose le sac à terre et nous prenons tous des attitudes parfaites pour un repos confortable. Deux membres de la caravane trouvent bientôt que leur ascension sous une cascade les a beaucoup trop mouillés pour qu’ils puissent s’arrêter longuement. Collie plongé dans les plaisirs nuageux du tabac proteste en vain. Nous restons sourds à son insinuation que la plus grande des joies de la montagne se trouve dans une halte habilement choisie, que le grand Dôme du Goûter aux blanches neiges dominant une vallée de pourpre, que la crête déchiquetée des Charmoz, que les falaises glacées du Plan avec tous leurs souvenirs de soleil brûlant et de nuit glaciale, sont dignes d’une halte plus longue. Mais nous n’écoutons rien, et, tournant vers la montagne, nous nous mettons à la remonter à travers les sapins et les rochers. Une agréable promenade nous amène quelques heures plus tard au chalet de Lognan.

Assis au soleil, nous buvons de grands verres de lait, en nous rappelant ces années lointaines où de larges lampées prises dans de grands bols de bois constituaient la partie la plus importante de la nourriture des grimpeurs. L’interview de notre hôtesse nous ayant apporté de confortables assurances sur la possibilité d’un vrai dîner, nous nous adonnons à la contemplation d’un soleil irradiant sur les arêtes noueuses du Buet. Graduellement les lignes plus dures et les contrastes plus accentués s’adoucirent et s’immatérialisèrent en ces vapeurs vagues et ces merveilleuses visions qui voltigent toujours aux approches du sommeil. Et quelques-uns de nous tombèrent dans les brus du dieu du Léthé.