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PAR L’ARÊTE DU MOINE

des ténèbres de la nuit. Mais nous n’avions pas encore beaucoup monté que déjà les énormes tours de ces brouillards sans consistance avaient été touchées par les rayons du soleil, et voici que les dernières traînées obscures étaient mises en fuite. Nous saluons cette ascension des nuages comme d’un bon augure, et nous nous mettons plus résolument à attaquer la pente. En atteignant la branche haute du glacier, située près et sous l’arête en muraille qui s’étend du Moine à la Verte, nous faisons halte pendant un quart d’heure dans l’espoir que le balayement des nuages nous permettra de voir quelque chose de notre montagne. Mais le grand rideau noir se tient fermement collé autour d’elle et, de ce côté, rien n’est visible. Dans l’autre direction, pourtant, nous avons une vue merveilleuse des Grandes Jorasses, à moitié voilée par les gazes flottantes des nuages. Très haut, nous pouvons même voir de légères et tendres vapeurs poussées par un gentil vent du Nord. Encouragés par ces bons présages nous marchons le long de la branche du glacier jusqu’à ce que nous soyons arrêtés par un ressaut de glace court mais abrupt. Après un peu de travail au piolet nous gagnons le niveau supérieur et, les nuages s’étant pendant ce temps un peu élevés, nous sommes enfin récompensés par une vue très nette des rochers par lesquels nous espérons gagner l’arête.

Au point où le véritable pic de la Verte commence à dominer les nombreuses tours de la longue Arête du Moine, un grand promontoire s’avance très avant dans le Glacier de Talèfre. Entre ce contrefort et l’Arête du Moine se trouve un demi-cirque, divisé du bas jusqu’en haut par une nervure de rocher. De chaque côté de celle-ci il y a des couloirs remplis de neige, et nous espérons atteindre l’arête soit par l’un ou l’autre de ces couloirs soit par la