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PAR L’ARÊTE DU MOINE

et raidies par le chemin de fer, sur le sentier du Couvercle que nous suivons à une allure lente et majestueuse. Les premiers grimpeurs avaient l’habitude de partir de Chamonix ou d’autres vallées également basses, et marchaient sans s’arrêter, et, autant que nous pouvons le savoir, sans la moindre fatigue, jusqu’au sommet de leurs pics ; nous autres grimpeurs modernes nous sommes coulés dans un moule moins robuste — tout au moins quelques-uns de nous — et j’avoue volontiers que je me trouvai complètement épuisé à nager et à glisser en reculant sur la dernière pente d’éboulis qui conduit au Couvercle ; je dirai même que Hastings… Mais l’amour du vrai ne doit pas être poussé trop loin. La vérité, même en dehors de toute représentation symbolique, demande à être vêtue et drapée décemment ; la croyance en une Providence gouvernant tout est certainement renforcée et soutenue par la sage ordonnance des choses qui fait que non seulement la vérité est convenablement habillée et voilée, mais encore qu’elle est forcée ordinairement de se cacher au fond d’un puits. D’ailleurs, il est toujours peu sage d’exciter la réplique. Hastings, en colère contre l’effrontée divinité, pourrait aussi bien faire allusion à certains événements passés quelques jours plus tard, alors que, remontant laborieusement et lentement vers la Calotte du Mont Banc et fatigués par une longue lutte dans le labyrinthe des pentes de la Brenva, nous tendions la corde entre nous et lui tellement que sa fonction semblait bien plus être celle d’un remorqueur que celle d’un simple protecteur contre les crevasses cachées. Mais ce sont là des incidents qui seraient, même dans cette période de réalisme brutal, trop pénibles à raconter ; adonc je me contenterai de rapporter le simple fait que nous voici tous arrivés au Couvercle. Affaissés sur diverses pierres anguleuses, nous nous faisons