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PAR LE GLACIER DE LA CHARPOUA

seul piolet pour la caravane, cela ne paraît pas devoir être très agréable. En sorte que nous nous décidons pour la pente invisible de gauche. Après avoir taillé environ deux cents marches, je trouve une petite crevasse coupant la pente à angle droit jusqu’à la rimaye, et Burgener, qui est près de moi, me crie : « Es geht » «Ça va.»

Nous procédons alors à nous ensevelir nous-mêmes dans cette petite crevasse ; nous y descendons par des marches taillées dans une des parois, et, pendant que nos têtes s’appuient contre l’autre paroi tant que le permettent leurs murailles allant toujours en se resserrant, nous nous faufilons ainsi le long de la crevasse, coincés entre les parois glacées ; finalement nous émergeons devant la grande falaise. En face, à une distance trop grande, une grosse plaque de glace s’était détachée de la masse principale, laissant une lame aiguë d’une glace usée par le temps, parallèle à la falaise, mais plus bas que notre position présente. Burgener décide de suite que l’espace intermédiaire peut être sauté ; il pourra même me retenir si je ne parviens pas à me loger sur le sérac. La méthode à suivre est de sauter de telle façon que je puisse placer mes mains sur la lame de couteau, pendant que mes pieds viendront racler la face interne du sérac, avec l’espoir que sa surface pourrie et délabrée apportera aux bottes un appui suffisant pour réduire l’effort des bras.

Après avoir accompli ce saut, au détriment de mes pauvres mains, je taille une grande marche pour que Burgener puisse y descendre. Grâce à sa carrure il se trouve ne pas pouvoir avancer dans la crevasse aussi loin que j’avais été capable de le faire, et il a, en conséquence, à sauter de plus loin. Néanmoins, il se reçoit aussi bien que possible et nous allons le long de la crête en lame de couteau, jusqu’à l’extrême bout du sérac. Il y avait encore