Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
L’AIGUILLE VERTE

remarques discourtoises concernant les alpinistes amateurs et les piolets faits à Londres. Néanmoins, il fit bien son travail, et nous entrâmes dans la branche Nord du couloir où nous fûmes comparativement en sûreté.

Celle-ci se trouve presque entièrement garnie de glace, en sorte que nous nous jetons sur les rochers à notre droite aussitôt qu’il nous est possible d’y trouver un appui. Burgener, très excité par une victoire imminente, se trouvant de plus débarrassé de tout bagage, et libre de la gêne de l’habit qui comme un bandage comprime la poitrine, Burgener monte à un pas qui met pitoyablement hors d’haleine son Monsieur. Ce dernier commence à comprendre que le sort du porteur « n’est pas un sort heureux », que deux sacs avec un habit comme superstructure sont bien faits pour s’accrocher dans les rochers saillants ou pour s’empaler sur chaque pointe aiguë qui se trouve dans un rayon de 2 mètres, et que de plus leur poids est un frein puissant à toute marche en avant. Mais Burgener ne se démonte pas et sa seule réponse à mes observations est de jeter des jodels en signe d’amère dérision pour les murailles faciles qui se dressent encore devant nous. Notre pas de course a bientôt fait de nous porter sur une petite arête de neige qui nous conduit, en trois minutes environ, à la grande arête joignant le Dru à notre sommet. Celle-ci grossit graduellement en une large chaussée durement gelée que nous suivons bras dessus bras dessous jusqu’au point culminant.

Mon premier mouvement est de me débarrasser du poids que j’ai charrié, celui de Burgener est de courir le long de l’arête conduisant vers l’Aiguille du Moine pour examiner la route que nous aurons à descendre. Il revient plein de joie, disant que tout est « bares Eis » « glace nue » et que je serai certainement tout raide le