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L’AIGUILLE VERTE

vienne surtout de leur désir de faire la halte nécessaire. Sur les hautes arêtes le besoin de manger et sur les pentes inférieures le besoin de voir me paraissent l’apanage de ceux dont le souffle est court et les muscles faibles.

Au bout d’une demi-heure nous nous attachons encore, et je donne de la corde à Burgener pour qu’il traverse à gauche, en partie le long de quelques grandes dalles rocheuses, en partie sur la crête supérieure d’une croûte ? de glace plus ou moins perfide rejoignant ces dalles. À un moment nous étions tous deux engagés, ensemble dans la traversée ; Burgener parvint à accrocher la corde autour d’un piton de roc au dessus de nous. Comme cette opération avait paru lui apporter le plus vif plaisir, je pensai qu’il serait cruel de lui faire remarquer que, comme le piton branlait de la plus menaçante façon à la moindre pression, j’avais prudemment décroché la corde avant de m’aventurer au dessous.

Après avoir atteint le couloir de neige nous commençons à prendre une allure très vive. Le piolet de Burgener détache de gros morceaux glacés qui acquièrent une grande vitesse avant d’arriver à moi ; un ou deux violents chocs de ces blocs nous avertissent qu’il est désirable d’avoir entre nous deux moins de 30 mètres. Je me rapproche de mon chef et nous raccourcissons la corde. Comme le travail de la taille des marches se trouve très dur à ces allures, je prends, en plus des sacs, l’habit de Burgener.

À notre gauche se trouve la profonde tranchée que d’innombrables avalanches ont burinée dans la pente ; plus d’une fois Burgener nous conduit vers le bord dans l’espoir d’y découvrir quelque point vulnérable où nous puissions forcer le passage, car le couloir est taillé comme un grand Y dont nous occupons maintenant la