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PAR LE GLACIER DE LA CHARPOUA

fois la trépidation de notre passage détache quelques glaçons perdus qui se précipitent dans les noires profondeurs en dessous, ce qui fait pousser à Burgener des exclamations d’horreur. En dépit de ces impressions désagréables, nous atteignons la base d’un sérac détaché, dont le sommet se trouve relié à la glace ferme, au dessus de la rimaye, par une fantastique imitation d’arc-boutant. Après avoir taillé quelques marches, aidé par une poussée de Burgener, j’escalade le sérac et je hisse à la corde l’ancre de veille de la caravane. Nous rampons comme des chenilles le long de l’arc-boutant, distribuant notre poids aussi loin que possible et nous attendant à chaque instant à ce que la fragile construction s’écroule. Heureusement, suivant l’invariable habitude de la glace au grand matin, elle se trouve aussi dure que du fer, et nous voici marchant en toute sûreté vers la seconde rimaye, que nous passons sans difficulté. La troisième se trouve peut-être pire que la première. Sa lèvre la plus basse surplombe de la façon la plus désagréable, et nécessite même à l’approche les plus grands soins, alors que sa lèvre supérieure se dresse au dessus de nos têtes en une lisse et abrupte falaise de glace bleue d’une vingtaine de mètres.

Nous nous décordons, et Burgener se dirige à droite pour chercher une direction possible tandis que je vais à gauche. Au bout d’un instant Burgener me crie que, de son côté, cela ne va pas ; mais, de mon côté, j’avais, avec grande chance, aperçu un endroit qui paraissait pouvoir être forcé. Après avoir rampé le long d’une arête aiguë en lame de couteau, séparant la rimaye d’une large crevasse, nous atteignons le point désiré. La pente au dessus, extrêmement rapide, avait été burinée en un profond couloir par les chutes constantes de pierres, de glace, de