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L’AIGUILLE VERTE

se trouve fréquemment utilisée par les caravanes ascensionnant ce sommet. Il n’y a pas besoin d’ajouter que notre route jusqu’à ce point n’est pas celle que l’expérience a montrée depuis comme la meilleure et celle qui se trouve maintenant suivie invariablement. Cette dernière n’emprunte pas une minute le Glacier de la Charpoua, l’ascension se faisant par des pentes interminables de pierres roulantes.

Nous faisons halte pendant une demi-heure, dans l’intention de voir se lever le soleil, et aussi pour déjeuner. Nous cachons soigneusement notre lanterne et nous nous préparons à faire face à un sérieux travail. Jusqu’à la première rimaye nous ne trouvons aucune difficulté, mais en atteignant cette grande crevasse, à 5 h. 30 mat., elle nous apparaît comme devant barrer complètement tout progrès ultérieur. Elle coupe droit tout le glacier et les rochers de chaque côté paraissent tout à fait impraticables. Pourtant, en un endroit, la forte couverture des neiges d’hiver ne s’est pas effondrée tout à fait, mais elle s’est affaissée seulement d’une quinzaine de mètres, et là, protégée des rayons du soleil, elle ne s’est pas encore complètement ramollie. C’est une construction fragile, ponctuée en divers endroits de trous ronds d’où pendent de longs glaçons ; sur d’autres se trouve une mince-couche de glace d’un demi-centimètre d’épaisseur. Quand on enfonce un piolet dans ces endroits faibles, il fait une ouverture sur des profondeurs terrifiantes. Nous nous apercevons bientôt que le seul point où il est possible de descendre sur ce pont est très à droite alors que le seul moyen d’escalader le mur opposé de la rimaye se trouve loin sur la gauche. En conséquence nous sommes forcés de passer sur cette fragile superstructure pendant une centaine de mètres, sinon plus. Une ou deux