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CHAPITRE IX


L’AIGUILLE VERTE


PAR LE GLACIER DE LA CHARPOUA


Comme nous passions assez tôt dans l’année 1881 le Col du Géant, Burgener et moi, il nous parut que l’Aiguille Verte pourrait être escaladée par sa face Sud-Ouest ; un couloir, vraie route d’ascension, conduit de la tête du glacier de la Charpoua droit en haut de l’arête Ouest de la montagne. Burgener fut tellement frappé de la possibilité de cette route qu’il ne pouvait guère croire qu’une voie aussi prometteuse n’eût pas été déjà prise par quelqu’un de ces hardis chercheurs de courses nouvelles. Ces craintes étaient, je l’en assurai, complètement sans fondement, et à notre arrivée à Chamonix elles furent finalement détruites.

Après une longue discussion nous décidons de partir à minuit du Montenvers : je n’avais pas encore, il cette époque déjà ancienne, compris la folie de passer les heures de nuit en pénibles culbutes dans les trous et les crevasses. Burgener, avec la sagesse de l’âge et une aptitude à dormir à poings fermés à des températures qui auraient toute la nuit fait danser une bourrée à son Monsieur, Burgener opinait en faveur d’un bivouac. Il se rendit pourtant au sage principe que « celui qui paye les violons a le droit de choisir l’air ».