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L’AIGUILLE DU PLAN

sépare du col, nous attaquons une fine crête de neige et nous envoyons un cri de bienvenue à l’Aiguille de Blaitière, aux Charmoz, au Grépon. Nous avions donc atteint les pentes supérieures du petit glacier sur lequel Carr, Slingsby et moi avions passé de si pénibles heures l’année précédente. Nous étions donc pourtant au dessus de ces séries de murailles de glace et nous pouvions réjouir nos yeux de ces gracieuses courbes que prennent les neiges en contournant le dessus des falaises. Immédiatement à l’opposé se trouvent les rochers nus que nous avions essayé d’escalader, et nous reconnaissons, avec un sentiment mélangé de peine, que, du dernier endroit où nous étions parvenus, l’arête aurait pu être atteinte, en deux ou trois heures au plus, et le sommet enfin vaincu. Notre position actuelle est pourtant plus favorable encore. Le petit glacier, coupé des rochers opposés par un épouvantable couloir de glace nue et où aucun vivant n’aurait l’idée de chercher et ne pourrait du reste tailler une route, nous conduit au dessus à des courbes de neige ciselées par le vent, qui, bien qu’elles exigent l’emploi du piolet, ne nous opposent aucun obstacle sérieux.

À 12 h. 5 soir, après une courte halte, nous repartons, non sans trouver que dix heures de dur travail commencent à se faire sentir et non sans que notre pas se réduise à une allure des plus modérées, bien qu’encore convenable. À moitié chemin, une grande crevasse nous barre la route. Sa lèvre en surplomb, 6 mètres au dessus de nos têtes, parait devoir nous forcer à redescendre beaucoup, sinon à nous arrêter tout à fait. L’idee de descendre se présente toujours comme extrêmement désagréable à des hommes fatigués, aussi tournons-nous à notre gauche pour voir si nous ne pouvons rien faire a l’endroit où le petit glacier se recourbe vers le grand