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L’AIGUILLE DU PLAN

rante à quarante de la fin[1]. Le reste de la caravane ayant atteint les pentes supérieures, la route fut vite taillée jusqu’aux rochers. Au dessus, la falaise se dressait en un précipice abrupt et menaçant, mais elle était hachée par une série de profondes fissures, et nous pensâmes que l’une ou l’autre nous fournirait très certainement une route praticable.

Nous choisissons pour notre premier effort, la plus profonde et la plus noire du groupe. À sa sortie, cette cheminée se trouve plus formidable que nous ne nous y attendions. Les parois sont trop éloignées pour employer la méthode du coincement, et la rareté des prises rend toute avance extrêmement difficile. Avec l’aide de la tête d’Hastings et de son piolet, il m’est possible d’atteindre une hauteur considérable dans l’intérieur même de la cheminée, mais tout progrès direct est barré ultérieurement par un roc en surplomb, et il me devient nécessaire de sortir et de traverser vers la muraille de gauche de la falaise jusqu’à une large marche qui me semble une base convenable pour de nouvelles opérations. La traversée est sans doute praticable si cette marche m’apporte une fissure ou une prise suffisante pour me permettre non pas seulement de me hisser jusqu’à elle, mais encore de l’escalader ; performance loin d’être toujours facile quand l’entablement sur lequel on arrive n’est seulement qu’une corniche étroite avec un mur lisse, à pic au dessus. Après un examen prolongé, je tente le passage et je découvre exactement à l’endroit voulu une excellente fissure, de dimensions convenables et rassurantes. À gauche, et sur une courte distance, des rocs faciles nous conduisent au

  1. Le mot auquel il est fait allusion ici est le terme « deuce » que l’on emploie au tennis, lorsqu’on arrive à égalité à quarante, comme on emploie « love » quand une équipe n’a rien encore, etc. Le mot « deuce » a un double sens, et devient alors une sorte de juron. — M. P.