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PAR L’ARÊTE NORD-OUEST

verglassées, nous atteignons au delà une arête en pente sur le vide et encombrée de glace, par dessus laquelle un filet d’eau coule des falaises supérieures.

Nous nous blottissons avec quelque difficulté dans un recoin abrité et nous nous mettons à manger, à boire, … et nous nageons en plein bonheur. Après une halte de vingt minutes nous partons de nouveau (5 h. 25 mat.), prenant presque horizontalement une arête large et facile[1] qui nous offre un sentier véritable et des plus tentants. Nous faisons une courte traversée, et nous arrivons à une faille dans la muraille conduisant presque droit en haut. L’ascension en est facile et rapide ; elle est suivie d autres corniches et d’autres couloirs, à réjouir le cœur de gens qui, de l’autre côté de cette grande muraille, avaient été jadis forcés de gagner chaque pas par une taille de marches dans la glace la plus dure. Mais graduellement les corniches et les cheminées se réduisirent tellement en proportion que nous fumes contents de nous réfugier dans le grand couloir et d’avancer en nous servant de nos piolets. La neige s’était ramollie et recongelée si souvent qu’elle demandait presqu’autant d efforts pour tailler des marches que la glace même. Nous commençons à chercher tout autour les moyens d échapper à ce travail. De l’autre côté du couloir les rochers sont certainement praticables, nous faisons donc un effort décidé pour les atteindre. Au centre la neige avait été burinée par les chutes de pierres, de glace et d’eau en une forte rainure de glace aux flancs profondément découpés. Après maints efforts, je réussis à m’y introduire et à tailler des marches de l’autre côté ; mais là le mur de neige se trouve trop fort pour moi. Sa surface était aussi

  1. Ornée de Ranunculus glacialis et de Silene acaulis, dit la note technique de l’Alpine Journal, XVI, p. 513. — M. P.