Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
LA DENT DU REQUIN

nous ne pouvons pas abandonner nos divers bagages, et nous nous voyons en conséquence obligés de suivre notre route d’ascension.

À 2 h. 20 soir nous quittons le pic et nous voici bientôt sur le sommet de la tour au-dessus de la fenêtre. Hastings a tôt fait de produire un piton que nous enfonçons tout de suite dans une fissure commode afin de pouvoir aider le dernier qui descendrait. La fenêtre regagnée, nous jetons un regard d’adieu sur l’arête et nous partons pour la descente de la cheminée. Au premier mauvais passage nous accrochons soigneusement la corde et c’est avec jouissance que nous trouvons l’aide qu’elle nous apporte pour descendre. Ma joie fut quelque peu modifiée quand, après dix minutes passées fi, essayer de la rappeler, j’eus à remonter pour la détacher. Cet ennuyeux incident était non seulement fatigant, mais de nature, s’il se répétait, à nous aigrir le caractère ; aussi, au second mauvais pas, Hastings fut-il de nouveau utilisé comme marchepied, et je descendis les rochers par les méthodes simples apprises dans ma jeunesse.

Nous atteignons la plaque de neige à 4 h. 45 soir et, pour gagner du temps, nous décidons de remonter avec une seule corde, non sans essayer et choisir soigneusement les prises que la muraille nous apporte afin d’éviter de saisir certaines pierres toujours prêtes à tomber. J’avais, heureusement, le poste de guide chef. Je dis heureusement, car, lorsqu’il s’agit de pierres, je suis absolument d’accord avec la maxime biblique : « Il vaut mieux donner que recevoir. » Ma libéralité en cette occasion fut grande ; mais, comme il arrive souvent, cette générosité n’évoqua pas ces sentiments d’affection durable que l’on désire faire naître. Je dois pourtant excepter Collie qui, comme dernier de la cordée, non seulement se réjouissait des