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LA DENT DU REQUIN

autre dans laquelle vous êtes assis à califourchon dans une dépression façonnée en V. Cette situation inconfortable nous amena promptement à la conclusion que nous n’avions pas de temps à perdre et qu’il valait mieux aller voir au delà ce que nous pourrions bien faire avec l’arête aiguë et la tour suivante.

L’arête se trouva plus facile que nous ne nous y attendions. Par les doigts d’un côté et la paume de la main de l’autre, par l’étreinte que nous pouvions obtenir en serrant l’arête avec nos genoux, notre avance jusqu’au pied de la tour fut assez facile, sinon très élégante. Au delà, une courte escalade fort embarrassante devient nécessaire. Supportés exclusivement par la prise des doigts sur une arête en lame de couteau, loin d’être l’horizontale, nous avons à tendre la jambe droite jusqu’à ce que nous puissions enfin atteindre une petite corniche en pente sur le vide et apportant une espèce de soutien pour le pied. La main droite doit alors quitter sa prise sur la crête, et, aussi loin qu’elle peut s’étendre, aller tâtonner le long d’un plissement perpendiculaire peu commode de la tour. Lorsqu’on a atteint le meilleur endroit de ce plissement, il faut abandonner définitivement l’arête en lame de couteau, la seule prise digne de confiance, et le poids du corps doit se porter sur le pied droit. Le mouvement, dans son ensemble, est très délicat, car l’appui du pied est si précaire que le moindre faux calcul dans l’équilibre amènerait inévitablement une glissade. La muraille située immédiatement au dessous est remarquablement à pic, même pour les Aiguilles de Chamonix, et je n’ose pas dire combien de centaines de mètres le savant de la caravane lui attribua. La partie suivante ne nous apparut pas comme beaucoup plus facile. Le plissement dont il a déjà été parlé,