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LA PLUS DIFFICILE ESCALADE DES ALPES

et nous espérions peu être capables de l’escalader, du moins par les moyens ordinaires. Nous étions en conséquence décidés à essayer de vaincre le sommet en jetant une corde par dessus. Il est vrai que Burgener et moi avions carrément manqué la manœuvre ; mais maintenant nous avions une corde légère, beaucoup mieux adaptée à ce but que la corde ordinaire de l'Alpine Club dont nous avions usé en 1881. Collie, dans notre route, le long de l’arête, choisit deux excellentes pierres avec lesquelles on pût charger la corde et lui donner ainsi quelques chances de résister au vent furieux qui régnait.

Avec pas mal de désagrément pour lui-même et de graves dommages pour les poches de son habit, il convoya ces armes meurtrières, à travers des difficultés variées, jusqu’au pied même de l’escalade finale.

Nos préparatifs pour l’assaut préliminaire par les moyens ordinaires et légitimes étaient commencés, quand Pasteur s’exclama joyeusement que nous avions déjà rejoint la route C P, et que nous pouvions faire l’ascension par une voie parfaitement simple et assez facile. La fissure par laquelle Venetz avait grimpé n’est pas la seule qui conduise au sommet. Sur la droite, ou plutôt sur la face des Nantillons, se trouve une seconde coupure, abrupte dans le bas, où un ami peut facilement vous prêter l’appui de son épaule, mais complètement praticable au dessus. M. Dunod, dans son ascension par la route C P, atteignit la base de cette fissure et naturellement l’utilisa pour son escalade. Nous, en 1881, nous étions arrivés au pied de l’autre coupure, et Burgener avait repoussé l’autre voie d accès avec un méprisant « Es ist schwerer als dieses » « Elle est plus difficile que celle-ci ». Il avait tort. Pasteur me prête son épaule, et en quelques minutes nous entourons tous le piolet et son écharpe flottante.