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LE GRÉPON

et, ce qui chagrinait le plus Burgener, c’est qu’une caravane partie pour la Blaitière gagnait sur nous, pas à pas, dans des rochers faciles à notre droite[1].

Notre guide chef déploya toute sa force, et, par un effort herculéen, il parvint à atteindre le glacier supérieur en même temps que l’autre caravane. Elle était conduite par un guide de l’Oberland qui n’était pas peu lier de son choix judicieux. Nous prenons ensemble jusqu’au pied du couloir qui va au Col Charmoz-Grépon. Là nos directions divergent ; après des adieux mutuels et avec des souhaits de toutes sortes de bonheur et de succès les uns pour les autres, nous nous séparons, l’Oberlandais offrant d’abord à Burgener beaucoup de bons avis et finissant en lui recommandant très fort d’abandonner notre tentative, «car, » dit-il, « je l’ai essayée, et, quand j’ai échoué, personne au monde ne peut espérer y réussir ». Burgener est très impressionné par cette péroraison, et j’apprends par un torrent d’intraduisible patois que notre sort est jeté et que, dussions-nous passer le reste de nos jours dans la montagne (ou nous y tuer), il serait, à son avis, préférable d’y rester que de rentrer battus, pour s’exposer aux railleries et aux injures de ce sceptique.

Nous trouvons un rocher qui nous abrite des chutes de pierres, et nous faisons halte en vue d’un second déjeuner. Nous reprenons une fois de plus notre ascension et nous voyons que le couloir, bien qu’encore un peu exposé aux pierres, est assez facile jusqu’à 20 mètres du col ; c’est là seulement, après avoir traversé sur la droite et escaladé une grande dalle que nous trouvons notre première difficulté sérieuse et que nous jugeons nécessaire de

  1. C’est le vrai chemin et c’est, je crois, celui que maintenant prennent invariablement les caravanes en route pour les pentes supérieures du Glacier des Nantillons.