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AVEC GUIDES

cieusement connu sous le nom de « bâton de Wicks[1] », et finalement nous forçons notre passage le long d’une très étroite boîte aux lettres[2], jusqu’au dernier sommet. Quand nous sommes sur le point de descendre, nous cherchons et trouvons une route meilleure le long de la tour finale et nous atteignons alors, sans la moindre difficulté, la tête du grand couloir qui sépare le Grépon des Charmoz. Nous le descendons en tremblant, car les pierres y sont en équilibre instable et notre caravane est longue. Heureusement personne ne fut atteint, à l’exception toutefois de Pasteur qui, selon toute apparence, ne fit que s’en amuser.

Notre descente de la pente de glace vers les rochers de la « salle à manger » est égayée par la vue d’une immense rangée de bouteilles et de citrons, par un énorme « bateau à vapeur » fumant, le tout entre des mains évidemment émérites, et attendant les premières femmes[3] qui eussent bravé les périls de la traversée des Charmoz. Tard dans la soirée, les lumières du Montenvers réjouissent enfin notre vue. Cris et jodels succèdent aux fusées ; et, comme nous descendons les pentes de rhododendrons, nous voyons un des membres les plus importants

  1. Allusion à l’ascension faite par MM. J.-II. Wicks et W. Muir, avec É. Rey et J. Fischer, le 9 août 1887, dans laquelle ils gagnèrent l’arête à peu de distance au Nord de la brèche qui sépare les deux aiguilles des Charmoz, franchirent la pointe formant l’extrémité Sud de la crête et suivirent l’arête jusqu’au sommet. Voy. Guide de la Chaîne du Mont Blanc, par L. Kurz, p. 111. — M. P.
  2. Le nom de boîte aux lettres est donné dans les environs du Montenvers à des fissures de roc. Pareils accidents sont fréquemment rencontrés dans les Aiguilles de Chamonix ; les grimpeurs les utilisent soit horizontalement comme passages, soit perpendiculairement comme échelles, en se coinçant et en se faufilant dans les fentes.
  3. La première ascension féminine de l’Aiguille des Charmoz avait déjà été faite quatre ans auparavant, le 15 août 1888, par Miss Katharine Hichardson, qui avait exécuté de même la traversée des cinq pointes en un jour. — M. P.