mènera, sain et sauf, au propriétaire souriant de votre hôtel. Certes oui, je suis d’accord avec Landor, que « les choses faites avec certitude, sont vides d’intérêt et amènent la satiété ».
Quand je pars le matin, je n’ai pas envie de savoir exactement ce que l’on fera, et exactement comment tout se passera. J’aime à sentir que nous pourrons avoir besoin de faire appel à nos efforts les plus efficaces et que, même alors, nous pourrons être déconcertés et battus. Il y a également une joie infinie à énumérer toutes les chances variées qui peuvent survenir au courant d’une victoire longue et âprement disputée ; mais par contre le souvenir d’un succès, assuré et lassant, derrière deux guides infatigables reste sans couleur dans la mémoire et s’efface bientôt dans l’indistinct passé.
Peu d’escalades nous ont apporté plus de plaisirs, à mes compagnons et à moi, que l’ascension du Mont Blanc par la Brenva[1]. Grâce à une erreur ridicule, dans laquelle je persistai malgré l’avis de mes amis, nous nous lançâmes contre un énorme mur de séracs où nous combattîmes avec une vigueur et, l’on voudra bien ne pas nous accuser de vantardise, avec une crânerie magnifiques ; cette lutte nous apporta sur le moment, et nous apportera longtemps encore, tant que durera notre mémoire, des plaisirs et des jouissances sans mélange. Déjoués, repoussés, nous campâmes sur une arête de rocher exposée, et, le lendemain matin, traversant pour la troisième fois la fameuse crête de glace en lame de couteau, nous repartîmes à l’assaut des séracs, cette fois-ci à un endroit plus vulnérable. Mais la victoire était encore indécise ; ce fut seulement lorsque Collie eut
- ↑ On trouvera dans l’Alpine Journal, XVII, p. 537-51, sous le titre de « Par dessus le Mont Blanc par la route de la Brenva », le récit de cette fort belle expédition dû il la plume de M. G. Hastings : la course fut faite sans guides par MM. Norman Collie, G. Hastings et A. F. Mummery, le 2 août 1894. — M. P.