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AVEC GUIDES

Durant les courtes haltes alors accordées, haltes habituellement désignées du nom de déjeuner, bien que personne n’y mange quoi que ce soit, les amateurs sont essoufflés, bâillent et ressentent toutes, et plus, les angoisses d’un mal de montagne qui commence, pendant que les guides se lamentent tristement sur la lenteur des voyageurs. Il n’y a pas besoin de dire que la condition essentielle aux plaisirs de la conversation et à la contemplation de la nature dont se réjouissaient les fondateurs du métier n’existe plus désormais. Malheur au touriste, pauvre habitant des villes, qui se trouve surmené par un couple de paysans en parfaite forme, et de poumons, et de muscles.

Le grimpeur sans guides est libre de ces pernicieuses et brouissantes influences. Tant qu’il a du temps devant lui, et très souvent lorsqu’il n’en a pas, il préfère s étendre sur quelque roc abrité pour regarder sur les monts lointains les ombres toujours changeantes et se pencher vers les énormes profondeurs où, sans trêve, des vapeurs flottent sur le glacier. Il ne lui prend jamais envie de peiner en remontant à forte allure des pentes de neige ou d’éboulis ; en pareils cas, chaque pierre plate lui suggère une halte et tout filet d eau l invite à se désaltérer il fond.

J’ai rencontré un jour à onze heures du matin, un homme qui venait de terminer l’ascension des Charmoz. Il semblait très fier des sa performance et certainement il avait dû marcher avec une extraordinaire rapidité. « Mais pourquoi, » me dis-je à moi-même « est-il allé aussi vite ? » Comment donc un individu, qui a des yeux et une âme, peut-il quitter les rudes beauté de l’arête des Charmoz pour se hâter de venir retrouver le troupeau des touristes dirigé sur le