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AVEC GUIDES

Les plus ardents de la caravane concluent de suite que c’est un renflement de l’arête, situé à gauche et d’un accès facile, qui se trouve être le point le plus élevé ; mais voici que certain triste opposant affirme que c’est une vilaine dent, sur la droite et de nature rébarbative, qui est le vrai sommet. On se rit de ce sceptique, et le roc facile est escaladé au milieu d’une sauvage explosion d’enthousiasme, quitte à trouver que là comme ailleurs la route large et facile n’est pas pour les fidèles.

Nous retournons à la brèche où nous avions atteint l’arête et nous nous dirigeons vers le pied du sommet réel. Venetz est promptement hissé sur les épaules de Burgener pour être expédié plus haut à l’aide du piolet ; mais la première attaque ne réussit pas et Venetz retombe rapidement sur Burgener. Le Monsieur qu’on avait méprisé vient augmenter l’échelle ; grâce à ce procédé Venetz peut atteindre n’importe quelle prise pour arriver finalement au point culminant. À 11 h. 45 mat., nous étions réunis sur le sommet, les guides tout joyeux de l’inconscient gaspillage de poudre par lequel M. Couttet fêtait notre arrivée. Burgener, pour reconnaître dignement cette attention, plante notre unique piolet sur le point le plus élevé, pendant que les simples soldats de l’expédition cherchent diligemment des pierres dans le but d élever tout autour du piolet un cairn de protection. On lui attache soigneusement un mouchoir d’un dessin brillant mais en mauvais état, résultat de ce qu’avait pu faire la lessive de Zermatt de deux mouchoirs de dimension plus ordinaire et de couleurs moins éclatantes.

Pendant que ces divers travaux étaient terminés de façon satisfaisante, le lourd colis de la caravane se chauffait au soleil dans un recoin confortable, absorbant cette mixture de lumière, d’air, de lac miroitant et d’arêtes déchiquetées