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AVEC GUIDES

dans le vide, incapable de me rattacher au roc comme à la glace. Une face barbue, coupée d’un gros rire, me regarde par-dessus le sommet du couloir et me demande gaîment : « Pourquoi ne montez-vous pas ? »

Quelques vigoureux hissements et me voici au-dessus du bombement verdâtre ; j’entre alors dans une étroite fissure. Ses murailles lisses et précipitueuses étaient partout garnies de glace et leurs surfaces parallèles n’offraient ni prises ni saillies d’aucune sorte. Il était tout juste possible d’appuyer le dos contre un des murs et de serrer les genoux contre l’autre, mais il ne fallait pas songer à avancer dans ces conditions. Après quelques minutes qui sont données à un Monsieur pour le convaincre, malgré son scepticisme à cet endroit, qu’un sac et un piolet ne sont pas les seuls impedimenta d’une caravane, l’influence persuasive de la corde m’amène sur un terrain moins lisse et une escalade me remet au soleil.

Les guides regardaient tristement leurs coudes déchirés et saignants, car ils n’étaient arrivés à s’attacher au couloir et à grimper qu’en appuyant leurs mains l’une contre l’autre, en les serrant contre leur poitrine, et en coinçant alors leurs coudes contre les parois opposées. Comme ils étaient l’un et l’autre tout à fait hors d’haleine, nous fîmes une halte et certain flacon circula. Puis je m’étendis sur la pierre chaude tout en me demandant combien de temps prendraient mes organes internes à revenir dans leur position normale d’où les avait délogés la pression de la corde.

Un quart d’heure plus tard nous étions de nouveau en route. Au dessus, une longue série de falaises, de rocs brisés, hachés par une suite assez continue de fissures verticales assuraient nos progrès jusqu’à l’arête. Comment j’ai escaladé de grandes dalles suspendues sur des coins