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L’AIGUILLE DES CHARMOZ

corniche, puis, tournant un coin embarrassant, je m’introduisis dans une sombre et froide cheminée.

Un gros bloc de 12 mètres environ de hauteur s’était détaché de la masse principale de la montagne, laissant un couloir arrondi et perpendiculaire, qui se trouvait partout garni d’un placage de glace. Un petit filet d’eau coulait dans le fond du couloir et s’était congelé sur le roc à peu près à mi-hauteur, formant une épaisse colonne de glace, flanquée de chaque côté de fantastiques cannelures de la même matière. Un bombement verdâtre, à environ 5 mètres au dessus, nous empêchait de voir le fond du couloir au delà. Rien ne pouvait paraître plus impossible ; il n’y avait même pas une saillie présentable où nous pussions nous tenir ; partout brillait la glace noire garnissant et masquant les irrégularités de la roche recouverte.

Quelques dix minutes plus tard les guides apparaissent à mes yeux inexpérimentés dans des positions extrêmement critiques. Venetz, presque sans soutien d’aucune sorte, s’approche graduellement du bombement verdâtre déjà mentionné ; un piolet, habilement appliqué par Burgener à cette partie du costume des guides ordinairement décorée de pièces de couleurs voyantes et variées, fait l’office de force motrice pendant que Burgener lui-même se trouve adroitement posé sur d’invisibles saillies taillées dans la mince couche de glace qui garnit le roc. Avant que Venetz ait pu surmonter le bombement verdâtre, il devient nécessaire de transférer le piolet sous son pied, et pendant un instant il est laissé à lui-même, agriffé comme un chat aux aspérités glissantes de l’énorme glaçon. Comment fait-il pour se maintenir dans cette position, c’est un mystère connu de lui seul et des lois de la gravitation. Grâce au piolet fixé sous son pied, il peut