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L’AIGUILLE DES CHARMOZ

suite à gauche, en dehors du couloir, nous faisons route pendant trois quarts d’heure à travers de bons rochers : une ou deux dalles nous offrent seules quelque résistance. Sur ces entrefaites, nous avions atteint le sommet d’une arête secondaire, qui aboutit contre les murailles terminales de la montagne. Nous nous asseyons sur un roc revêtu de glace, et, sortant nos parcimonieuses provisions, nous conspuons de nouveau solennellement le portier chamoniard. Nous déposons la gourde de vin dans un recoin sur ; puis, à l’unanimité, nous mettons de côté habits et bottes, qui, avec deux chapeaux sur trois et la même proportion de piolets, sont enveloppés ensemble et déposés en sécurité dans un trou de rocher. Les bagages, consistant en une corde de supplément, deux coins de bois, la nourriture, une bouteille de Champagne, un flacon de cognac et un piolet, furent placés sur mon dos.

Les deux guides commencent à chercher leur voie en escaladant la falaise, Venetz, poussé par Burgener et à son tour aidant celui-ci avec la corde. Mais nos progrès étaient pénibles et lents, et, lorsqu’à la fin on trouvait une position solide, c’était alors la corde qui refusait de venir jusqu’à moi. Finalement, il me fallait faire une traversée difficile pour l’attraper, car il m’était tout à fait impossible de monter un piolet et un sac sans son aide. Ce genre de travail continua pendant trois quarts d’heure ; puis, une attente plus longue vint me faire penser qu’il se trouvait plus haut quelque morceau sérieusement mauvais. Une demande instante de ma part amena la réponse que le passage suivant était tout à fait impraticable, mais, ajoutait Burgener, « Es muss gehen » « Il faut passer ». Anxieux de voir cet obstacle qui, bien qu’impraticable, devait être franchi, j’escaladai de mon côté le tranchant d’une grande dalle, jusqu’à une étroite