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TÄSHHORN

presque assourdis par les bruits répercutés du tonnerre. Mais qu’importait ! Certes, il était tard ; certes, nous avions froid et faim ; certes, nous étions fatigués, nous enfoncions dans le névé jusqu’au dessus du genou, et plus bas la trace avait disparu sous la neige tombant rapidement ; mais « la Teufelsgrat était à nous », et peu nous importait ces petites misères, et nous riions de la tempête en de méprisants jodels, en des cris de triomphe. Une courte traversée sur la gauche, et nous franchissons la rimaye ; une lassante promenade sur de faibles pentes de neige, un peu d’attention en passant quelques crevasses ouvertes, et nos dangers sont finis. À 8 h. soir, nous atteignons le bout du Glacier de Kien, et une fois encore nous voici steppant dans la moraine. Nous descendons des pentes de pierres pendant une autre heure, et je commence à me souvenir que notre dernier repas a eu lieu à 10 h. mat. Comme il devient évident que nous ne pourrons pas atteindre Randa cette nuit, je suggère une halte, idée qui est reçue avec des applaudissements. En quelques minutes nous étions assis sur des pierres variées, mâchonnant notre repas du soir. Le seul mécompte était que nous avions très froid ; mes mains et mes pieds étaient engourdis, et ce qui restait de nos vêtements (nous en avions laissé une bonne partie sur la Teufelsgrat) était trempé ; enfin, le pire de tout, mes brodequins, examinés à la lumière vacillante d’une bougie, semblaient devoir difficilement me porter jusqu’à Randa.

Notre appétit apaisé, je surpris des symptômes de sommeil chez les guides ; en conséquence, je rappelai à Burgener sa promesse de nous amener en tous cas jusqu’à la limite des forêts, afin que nous pussions y goûter la jouissance d’un beau feu. Une fois encore nous partons, soigneusement encordés ; la pente, rapide et coupée de