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TÄSHHORN

diminuait jusqu’à ne plus dépasser deux centimètres ; pourtant, tant que les coups de piolet pouvaient nous tailler une marche suffisante, nous avançions sans arrêt. À la fin cependant le bruissement gai des copeaux de glace cessa, et à la question de Burgener vint la réponse : « Es giebt gar kein Eis. » « Il n’y a plus un brin de glace. » À gauche et à droite les dalles lisses du couloir de rocher étaient légèrement verglassées, et au dessus de ce verglas il y avait encore une fine couche de neige folle. Le mur de rocher à droite semblait pourtant nous suggérer la possibilité de continuer l’ascension. Notre chef en commença l’escalade, mais à peu de distance le mur devint tellement verglassé et tellement à pic qu’il fut obligé de s’arrêter. Il devenait même douteux qu’il en pût redescendre, et sa position devenait évidemment critique à l’extrême. Heureusement il était, pour l’instant, dans une position assez sûre.

La forte présence d’esprit de Burgener se montre sans un moment d’hésitation. Tout de suite il se détache et, se servant de la corde comme d’une rampe, il monte rapidement. Arrivé au point où mon mari avait traversé sur la droite, il lâche la corde, se dirige un peu a gauche et finit par trouver une glace assez épaisse pour pouvoir y tailler des marches très superficielles. Aidé de ci et de là par une pierre en saillie, il travaille jusqu’à ce que la pente du couloir soit devenue moins raide, une quantité plus considérable de neige s’y étant accumulée. Cette neige était de la pire qualité et coulait comme de la farine à chaque marche ; cependant, quelque mauvaise qu’elle fût, elle rendait nos progrès possibles ; nous le voyons enfin travaillant avec une indomptable énergie atteindre une position sûre. Nos sentiments se donnent alors libre cours par des cris et des jodels ; mais c’est tout de même un dur travail que de se