bérance de roc que déjà notre dernier guide s’était jeté à moitié de l’autre côté de l’arête prêt à toutes les conjonctures. La chute arrêtée, toutes les mains hâlèrent sur la corde, mais sans arriver à rien. Mon mari descendit et trouva que la veste d’Andenmatten s’était accrochée au rocher. Une fois détachée, quelques solides efforts hissèrent la victime sur l’arête. Un silence de mort régnait et n’était interrompu que par les sanglots de ce paquet de nerfs brisés qui gisait à nos pieds et dans lequel il était difficile de reconnaître l’homme actif, hardi, à l’esprit éveillé, qui nous avait fait danser, qui nous avait égayés de ses cris joyeux au milieu de ces murailles de roc, et dont l’allégresse avait même un peu diminué l’horreur des moraines pierreuses et des éboulis sans fin. Le silence n’était toujours rompu que par les plaintes du blessé — quand soudain une voix solennelle s’écria : « C’est providentiel qu’aucune des deux bouteilles de Champagne ne se soit brisée. » Alors regardant autour de moi, je m’aperçois que mon mari avait employé ces instants terribles à inventorier le contenu du sac. Une des fameuses bouteilles fut promptement ouverte, et un verre du liquide mousseux fut versé dans le gosier haletant du pauvre guide.
Après avoir employé tous mes talents chirurgicaux et l’avoir ausculté et percuté sur les côtes, après avoir fait jouer ses articulations et l’avoir en général traité avec rudesse et sans merci, je le déclarai plus effrayé que blessé. « Vorwärts, » cria Burgener, « En avant, nous ne battrons pas en retraite, » et il prit à nouveau la tête. Je suivais, puis mon mari et enfin Andenmatten, la figure mortellement pâle, les membres tremblants, et la tête enveloppée d’un grand mouchoir rouge. A chaque petit roc se dressant sur notre route, il murmurait d’amères malédictions sur le passé, ou bien des prières pour l’avenir,