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TÄSHHORN

nous nous préparons à faire notre diagnostic. Un pouce quelque peu déchiré, enflé et saignant venait offrir un intéressant problème à une étudiante de l’Association de l’Ambulance de Saint John. L’hémorragie fut vite arrêtée et le pouce blessé, bandé avec des mouchoirs de poche variés, pendant que Burgener murmurait tout le temps du ton le plus pathétique et dans son plus mauvais anglais : « Je n’ai plus de force dans la main. »

Nous proposons de battre immédiatement en retraite : mais, après un regard à l’arête déchiquetée, maintenant bien en vue, après une demi-bouteille de Champagne (nous avions oublié d’apporter du cognac), et après un morceau d’un poulet coriace, l’invalide laissa tomber de ses lèvres un sarcasme à l’idée de retourner. « Vorwärts » « En avant », cria-t-il, et en avant nous vînmes, au milieu d’un étrange mélange de joyeux jodels jetés aux tours ou gendarmes qui de loin nous défiaient à la lutte et de plaintes répétées : « Je n’ai plus de force dans la main, » dites d’une voix d’enterrement et accompagnées de regards abattus.

À environ 5 h. 30. mat., nous atteignons l’arête, ici couverte de neige. Andenmatten prend la tête et, comme la neige est en excellente condition, nous avançons à grands pas. Puis vinrent bientôt les dalles bizarres d’un rocher stratifié, empilées à angle presque droit, l’une sur l’autre, semblables à une rangée de formidables ardoises. Leurs saillies tranchantes offraient pourtant de bonnes prises aux mains et aux pieds. Peu après, ces rocs brisés étaient interrompus de temps à autre par d’audacieuses tours à pic qui furent pour notre nouveau chef l’occasion de montrer de quel métal il était fait. Ce premier gendarme était à peine passé qu’un second se dressa devant nous — un large empilement jaune brun de rocs brisés