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fille était enlevée à sa mère par un infâme ravisseur, il faisait en sorte de punir le ravisseur et de ramener la fille à sa mère. Il ne retenait jamais le salaire du travailleur, et il laissait les fruits à qui avait planté l’arbre ; il ne volait pas l’habit d’autrui, il ne se nourrissait pas de la nourriture du pauvre.

Alors, dans les villages, on chantera en chœur :

» Dieu est grand ! Dieu l’a rappelé à lui ! Que sa volonté soit faite ! Il est mort en homme de bien ! »

Mais, si au contraire, au voyageur qui demande :

» Qu’y a-t-il ? Pourquoi la trompette ne sonne-t-elle pas ? Pourquoi les jeunes filles ne chantent-elles plus ? »

On répond :

» Il y a un mort dans la maison.

Et si ce voyageur va dire de village en village, à ses hôtes, aux fils et aux filles de la maison :

» Il vient de mourir, là-bas, un homme qui avait promis d’être juste, et qui vendait la justice à prix d’or. Il engraissait son champ de la sueur du travailleur qu’il empêchait de travailler à son propre champ. Il retenait le salaire de l’ouvrier, et mangeait le pain du pauvre. Il s’est enrichi de la misère des autres. Il avait beaucoup d’or et d’argent, une grande quantité de pierreries, mais son voisin, le cultivateur n’avait pas de quoi donner à manger à son enfant. Il souriait comme un homme heureux, mais il y avait des pleurs et des grincements de dents dans le logis de tous ceux qui venaient lui demander justice. Ses joues étaient fraiches et rebondies, mais les seins des mères qui nourrissaient, manquaient de lait !

Alors les habitants des villages s’écrieront tous en chœur :

» Dieu est grand !… nous ne maudissons personne ! »